Evangiles et genre littéraire
Evangiles et genres littéraires
C’est par le mot « évangile » avec une minuscule que nous désignons les 4 écrits
que nous connaissons aujourd’hui dans le Nouveau Testament :
cet usage du mot remonte à Irénée de Lyon (né vers 130-mort en 202).
Il existe en plus des « évangiles » canoniques des évangiles apocryphes, non reconnus dans le canon biblique.
Avec une majuscule, « Evangile » désigne l’annonce de Jésus mort et ressuscité,
le message que contiennent ces évangiles.
Il fut un temps où on étudiait les évangiles comme formant un « genre littéraire » à part.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, les spécialistes rapprochent le genre des évangiles
des Vies des personnages illustres de l’Antiquité. (cf. Plutarque, par exemple, auteur grec 46-125)
Le genre des « Vies » s’inscrit dans une époque.
On peut comparer les évangiles, pour leur genre littéraire,
à Suétone (70-128) ou à Plutarque.
Chez les auteurs de l’Antiquité,
la tradition est de présenter cette Vie en deux parties :
tout d’abord l’auteur présente
l’origine familiale et la formation du personnage,
puis, dans une deuxième partie, ses actions et ses paroles.
C’est pourquoi dans ces récits, on trouve
de nombreux discours et des dialogues
insérés dans les descriptions détaillées d’actions.
Le personnage illustre, par définition, s’est fait connaître par ses actions.
C’est donc par un retour en arrière que le récit cherche dans le passé
des indices de ce par quoi il s’est illustré, ainsi se construit
de façon souvent légendaire la première partie, celle qui raconte l’enfance ;
par conséquent, il n’y a pas vraiment de « biographies » , dans ces Vies,
mais une recherche de ce qui laissait présager ce qu’est devenu le personnage.
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Les discours et dialogues :
Dans les récits d’Histoire de la littérature gréco-romaine,
ce n’est pa trahir un personnage
que de présenter des discours et des dialogues reconstitués.
C’est le propre des discours chez Thucydide par exemple,
(historien grec né vers 465 av. J.-C , mort entre 400 et 395 av. J.)
À partir du caractère du héros et des circonstances,
l’auteur reconstitue de toute pièce un discours.
La narration :
Dans « les Vies », dans la narration des actions,
le héros est soit reconnu, soit rejeté par les autres personnages :
on retrouve cela dans le Nouveau Testament, autour de la figure de Jésus.
Dans le Nouveau Testament, la reconnaissance est celle de Dieu lui-même,
qui se manifeste par l’intermédiaire des anges.
Et l’opposition forte des autres personnnages
appartient également au « genre » littéraire.
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Dans la deuxième partie du XXe siècle,
la critique rédactionnelle,
a fait des progrès grâce à la sémiotique* et à la recherche narrative.
Elle a été influencée aussi, entre autres, par Paul Ricoeur. (Temps et Récits, 1983)
Parallèlement : voir l’évolution de la critique formelle en linguistique.
Bibliographie :
l’article de Max-Alain CHEVALIER
« L’analyse littéraire des textes du Nouveau Testament«
dans la Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses1977/57_3
A. NICOLAS R. Jackobson et la critique formelle, 1969.
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Quoi qu’il en soit, on peut dire que les évangiles
ont pour visée d’être des témoignages.
Ces témoignages, au pluriel, sont différents les uns des autres.
Ils témoignent tous de la mort et de la résurrection de Jésus,
écrits entre 30 ans et 70 ans après les évènements qu’ils relatent.
Ils font une relecture des évènements passés.
L’évangile de Marc commence par :
Ἀρχὴ τοῦ εὐαγγελίου Ἰησοῦ Χριστοῦ [υἱοῦ θεοῦ].
« commencement de la bonne nouvelle de Jésus Christ »
et finit par :
κηρύξατε τὸ εὐαγγέλιον πάσῃ τῇ κτίσει.
« Annoncez la bonne nouvelle à toute la création »
Luc, au début de son évangile, dit qu’il entreprend de reprendre ce qu’ont dit
les témoins oculaires αὐτόπται.
Jean évoque, dès le prologue, le témoignage de Jean le baptiste,
et son évangile s’achève aussi par l’idée de rendre témoignage.
Οὗτός ἐστιν ὁ μαθητὴς ὁ μαρτυρῶν περὶ τούτων
C’est ce disciple qui témoigne au sujet de ces évènements. Jn 21,24
*
A.-J. Greimas Sémantique structurale (1966), Du sens (1970)
A l’origine de ce qu‘on appelle aujourd’hui l’école sémiotique de Paris
qui recouvre un ensemble extrêmement homogène de recherches narratives et discursives.