Royaume,βασιλεία (basileia)
ἡ βασιλεία τοῦ θεοῦ
ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν.
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Le royaume de Dieu
Le royaume des Cieux
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I. Les deux expressions :
« Le royaume des cieux est proche »
Premier mot de la prédication de Jean-Baptiste dans l’Evangile de Matthieu :
« καὶ λέγων, Μετανοεῖτε: ἤγγικεν γὰρ ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν. »
« convertissez vous , car le royaume des cieux est proche »
Mt 3,2 ( voir aussi 4,17)
Dans l’Evangile de Luc , on peut lire :
Ἰησοῦς πρὸς αὐτόν, Οὐδείς, ἐπιβαλὼν τὴν χεῖρα αὐτοῦ ἐπ’ ἄροτρον,
καὶ βλέπων εἰς τὰ ὀπίσω, εὔθετός ἐστιν εἰς τὴν βασιλείαν τοῦ θεοῦ.
Jésus leur dit : Quiconque met la main à la charrue
et regarde en arrière, n’est pas adapté au royaume de Dieu »
Lc 9, 57-62
Les deux expressions (royaume de Dieu, Royaume des Cieux) sont équivalentes.
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Marc parle de « royaume des cieux »
Matthieu parle de « royaume des cieux » ou de « royaume de Dieu »
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II. D’où vient cette expression de « royaume des cieux »
ou de « royaume de Dieu » ?
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Dans l’ancien Orient, pour désigner la royauté humaine et la royauté divine
le mot est le même : « royaume », qui se dit ici en grec : βασιλεία. (basileia)
Cette équivalence se retrouve dans tous les empires de l’ancien Orient
où pouvoir et religion sont liés.
En effet, la mythologie confère une valeur sacrée au roi humain,
qui est le représentant terrestre du dieu.
La royauté est une institution sacrée.
Par exemple, en Égypte, le pharaon est l’incarnation du Dieu Horus.
De même, à Babylone, le roi est l’élu de Mardouk.
L’empire grec et l’empire romain
reprennent les idées fondamentales des cultes polythéistes plus anciens
lorsqu’ils divinisent leurs souverains.
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« Dieu roi » :
le Premier Testament lui donne un contenu particulier
en rapport avec son monothéisme et sa conception du pouvoir politique.
Enfin, le thème de « royaume de Dieu » du Nouveau Testament
est enraciné dans l’expérience d’ Israël fondée sur les promesses des prophètes.
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Avec le Nouveau Testament,
le thème du « royaume de Dieu» se dépouille totalement de ses résonance politiques.
Ainsi l’expression de « royaume de Dieu » passe du Premier au Nouveau testament
et se transforme ;
la royauté du Christ est d’un autre ordre que celle du royaume politique.
L’expression reste la même, mais Jésus s’efforcera de faire comprendre la nature de son Royaume.
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Dans le Premier Testament l’expérience de la royauté a pris fin en 587, lors de l’exil ;
le judaïsme du post-exil est soumis à l’autorité de rois païens.
Après la période de l’exil, les juifs se tournent vers les derniers temps
et le « royaume des cieux » devient le point central de l’espérance eschatologique.
C’est ainsi qu’on attend du roi Messie qu’il libère Israël de l’oppression étrangère.
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III. Dans le Nouveau Testament :
Jésus ne s’oppose pas à l’autorité politique,
à celle d’Hérode, le tétrarque,
ni à celle de l’empereur romain :
Ἀπόδοτε τὰ Καίσαρος Καίσαρι, καὶ τὰ τοῦ θεοῦ τῷ θεῷ.
« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Marc 12,17).
Mais Jésus précise que son royaume n’est pas de ce monde:
Ἀπεκρίθη Ἰησοῦς,
Jésus répondit,
Ἡ βασιλεία ἡ ἐμὴ οὐκ ἔστιν ἐκ τοῦ κόσμου τούτου:
mon royaume n’est pas de ce monde
εἰ ἐκ τοῦ κόσμου τούτου ἦν ἡ βασιλεία ἡ ἐμή,
si mon royaume était de ce monde
οἱ ὑπηρέται ἂν οἱ ἐμοὶ ἠγωνίζοντο,
mes serviteurs auraient combattu pour moi
ἵνα μὴ παραδοθῶ τοῖς Ἰουδαίοις:
afin que je ne fusse pas livré aux juifs
νῦν δὲ ἡ βασιλεία ἡ ἐμὴ οὐκ ἔστιν ἐντεῦθεν.
mais en réalité mon royaume n’est point d’ici-bas. (Jn 18,36)
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Ambigüité voulue :
L’écriteau de la croix porte : « ὁ βασιλεὺς τῶν Ἰουδαίων ».
« Jésus roi des juifs » (Jn19,19) :
L’accusation porte sur le domaine politique, terrestre ;
alors que le destinataire de l’Evangile est invité à y voir une autre réalité.
Dans l’évangile de Luc,
le bon larron demande à Jésus d’être « dans son royaume » :
ὅταν ἔλθῃς ἐν τῇ βασιλείᾳ σου. « quand tu seras dans ton royaume … ».
(Luc 23, 42)
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Enfin il est intéressant de lire dans l’Apocalypse :
« il est roi des rois et seigneurs des seigneurs » (Ap 17,14) :
Οὗτοι μετὰ τοῦ ἀρνίου πολεμήσουσιν,
Ils combattront contre l’agneau
καὶ τὸ ἀρνίον νικήσει αὐτούς,
et l’agneau les vaincra
ὅτι κύριος κυρίων ἐστὶν
parce qu’il est Seigneur des seigneurs
καὶ βασιλεὺς βασιλέων,
et Roi des rois
καὶ οἱ μετ’ αὐτοῦ, κλητοὶ καὶ ἐκλεκτοὶ καὶ πιστοί
et avec lui les appelés, les élus, et les fidèles (vaincront aussi) (Ap 17,14)
Après la Résurrection, le royaume est accompli.
Notez l’association de la figure de « l’agneau » à celle de « roi ».
Le titre de roi a acquis un autre sens après la Résurrection,
et l’agneau est devenu « roi des rois » (plus que « roi » !)
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Donc le nom de « Royaume » « ἡ βασιλεία » et le titre de « roi » »βασιλεὺς »
traversent tout le Nouveau Testament : Le royaume de Dieu est proche,
c’est l’objet premier de la prédication de Jean-Baptiste.
Le thème et l’expression proviennent du Premier Testament.
Jésus donne au « Royaume de Dieu » la première place dans sa prédication.
Après la Pentecôte, le thème est central (cf. Actes 14, 22,…)
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IV . Les images associées au « Royaume des Cieux » :
On peut noter aussi que le « Royaume de Dieu »
se révèle progressivement dans les paraboles.
Dans celles-ci, le Royaume est associé à diverses images en référence à sa croissance ;
il est comparé à la graine, au levain, à la semence, au bon grain…
On a vu que Jésus est très réservé vis-à-vis du titre de roi : Jean 18, 36 (cf préc.).
Mais hériter de son royaume c’est hériter de la vie éternelle :
« καὶ ζωὴν αἰώνιον κληρονομήσει :
et il héritera de la vie éternelle » (Mt 19, 29)
Jésus identifie le royaume du fils de l’homme et le Royaume du père :
Ἀποστελεῖ ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου τοὺς ἀγγέλους αὐτοῦ,
le fils de l’homme enverra ses anges
καὶ συλλέξουσιν ἐκ τῆς βασιλείας αὐτοῦ πάντα τὰ σκάνδαλα
qui arracheront de son royaume tous les scandales
καὶ τοὺς ποιοῦντας τὴν ἀνομίαν
et ceux qui commettent l’iniquité (Mt 13,41)
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Le champ lexical de la royauté est varié :
Citons par exemple « le trône » cf. Apocalypse (3, 21)
Ὁ νικῶν, δώσω αὐτῷ καθίσαι μετ’ ἐμοῦ ἐν τῷ θρόνῳ μου,
ὡς κἀγὼ ἐνίκησα, καὶ ἐκάθισα μετὰ τοῦ πατρός μου ἐν τῷ θρόνῳ αὐτοῦ
Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône
comme moi-même j’ai vaincu et me suis assis avec mon père sur son trône.
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De même, vous pouvez contempler
Jésus dans sa gloire, sur son trône, vêtu en roi, au tympan des cathédrales,
notamment sur celui de la cathédrale d’Autun.
Comme sur de nombreux tympans romans,
Jésus est entouré de la mandorle, signe de sa gloire divine,
et les symboles de la royauté y sont associés :
le vêtement, la ceinture royale, le trône sur lequel Jésus est assis…
BIBLIOGRAPHIE :
Vocabulaire de Théologie biblique,
(Cerf, 1962) article « royaume » p.942-955
A écouter :
Pourquoi dit-on que le Christ est Roi ?
Présentée par Élise Chardonnet RCF 13novembre 2018
invité : Jacques Descreux.
JÉSUS, TOUT LE CONTRAIRE D’UN ROI ?
Dans le Nouveau Testament, Jésus se compare à un berger, il lave les pieds de ses disciples, il est crucifié comme un malfaiteur… Quelle sorte de roi est-il donc ? L’image du berger est intéressante car dans la tradition biblique, le berger est très étroitement associée à la figure du roi. De même que le berger doit rassembler ses brebis, le roi est chargé de faire l’unité de son peuple ; de même qu’il doit les protéger contre les loups, le roi protège son peuple ; et comme le berger veille à nourrir ses brebis, le roi doit assurer une prospérité économique à son peuple. »Ceux qui ont côtoyé Jésus ont perçu ces dimensions-là, explique le Père Descreux, ce qui a aidé à le rapprocher de l’image du roi. »
« Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul. » (Jn 6, 15) Pourquoi Jésus refuse-t-il qu’on le fasse roi ? »Il refuse une royauté qui serait à la manière de ce monde », explique le bibliste. Plus tard dans l’Évangile de Jean, Jésus dit à Pilate que sa « royauté n’est pas de ce monde » et il ajoute : « Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » (Jn 18, 37) Le royaume du Christ est « spirituel », et « son royaume », celui de « ceux qui sont amoureux la vérité ».