« En toi je trouve ma joie » ἐν+ datif+ verbe εὐδοκέω (eudokéo)
Mt 4,17
Mc 1,11
et
Lc 3,22
(pour le baptême, ensuite on retrouve cette phrase lors de la Transfiguration)
ἐν ᾧ εὐδόκησα :
καὶ φωνὴ ἐγένετο ἐκ τῶν οὐρανῶν,
Σὺ εἶ ὁ υἱός μου ὁ ἀγαπητός,
ἐν ᾧ εὐδόκησα. (Mc 1,11)
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Un passage qui a fait l’objet de traductions variées.
cf. notice sur les traductions
et sur les l’histoire de la traduction biblique de N. Gueunier.
« Et il y eut une voix venant des cieux :
« Tu es mon fils bien-aimé, en toi je trouve ma joie. »
(Nouvelle traduction de la Bible pour la liturgie catholique).
« …Je mets en toi toute ma joie »
(Bible en français courant).
Et des cieux, vint une voix : « Tu es mon fils bien-aimé,
il m’a plu de te choisir ».
(TOB, 2010)
Et une voix fit entendre des cieux ces paroles :
Tu es mon Fils bien-aimé,
en toi j’ai mis toute mon affection.
(Bible Segond, 1910)
Et une voix vint des cieux: Tu es mon fils, l’aimé
dont je suis content.
(traduction de J. Grosjean et M.Leturmy éd. de la Pléiade)
Et une voix vint des cieux :
« Tu es mon fils bien-aimé.
Tu as toute ma faveur ».
(Bible de Jérusalem)
« C’est toi mon fils, le bien-aimé, tu as toute ma faveur. »
(Traduction du chanoine Osty)
« en toi j’ai trouvé mon plaisir (Darby, 1872)
εὐδόκησα :
1ère personne de l’aoriste de l’indicatif du verbe εὐδόκέω
prendre plaisir, se complaire en, agréer ;
juger bon, choisir, décider :
(J-Cl INGELAERE, P. MARAVAL, P. PRIGENT
Lexique grec-français du Nouveau Testament,
(Alliance biblique universelle)
Dans le dictionnaire Bailly , on trouve également :
être satisfait, être content, approuver, accepter.
cf. choix de l’édition de la Pléiade.
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Le temps du verbe : l’aoriste
Mode : indicatif.
Valeur aspectuelle : aoriste qui marque l’aboutissement de l’action.
cf. §269 et 270 RAGON et DAIN Grammaire grecque (cf. bibliographie)
En effet,
Choix de la nouvelle traduction : un présent.
Cette traduction au présent tient compte de l’ensemble de l’expression,
Ce n’est pas un verbe seul qui est traduit, mais le verbe dans son contexte :
ἐν+ datif+ εὐδοκέω (eudokéo) .
L’expression ainsi traduite montre le résultat de l’action de Dieu.
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La racine δόκ comporte la notion de conformité à ce qui convient
(d’où « juger bon » choisir »…)
εὐδόκέω est un verbe dérivé de δοκέω avec l’ajout du préfixe ευ.
εὖ : adverbe « bien ».
Cet adverbe occupe une grande place dans la composition des noms.
Il exprime l’abondance, la réussite, la facilité.
cf. εὐδαίμων (heureux εὐ + δαίμων (génie, destin)
opposé δύσδαίμων (malheureux)
Antonyme de εὖ : δυσ- , préfixe
uniquement en composition, n’existe pas seul,
qui exprime l’idée du mal et du manque
cf. P. CHANTRAINE Dictionnaire étymologique de la langue grecque.
BAILLY : signale que les sens : approuver, être content de,
pour εὐδόκέω sont attestés dans le grec tardif.
Le verbe simple : δοκέω comporte une « idée d’opinion,
d’apparence et de réputation »
(CHANTRAINE, dictionnaire étymologique de la langue grecque).
Voir aussi un mot de la même racine :
Le nom δοξα , est apparenté au verbe δοκέω ,
ce mot désigne :
l’opinion, puis « la bonne opinion » et « la réputation »,
enfin : dans la langue biblique :
le mot désigne la gloire et la puissance de Dieu,
il traduit le mot hébreu kabod.
Par conséquent, on comprend pourquoi
le verset 11 du premier chapitre de Marc a fait l’objet de traductions variées.
C’est en raison de la richesse de ce mot : εὐδόκέω
Il porte l’idée du bonheur associée à celle de l’opinion et de l’élection
tout en n’oubliant pas que c’est pour la gloire de Dieu :
(rappel des sens proposés par le lexique du NT :
prendre plaisir, se complaire en, agréer ; juger bon, choisir, décider)
Il faut aussi prendre en compte la syntaxe du verset :
ἐν ᾧ εὐδόκησα.
« en qui je… »
( « en qui je prends plaisir » ,
« en qui je me suis complu »
sont des expressions difficiles à comprendre
si on n’a pas en tête l’idée véhiculée par la racine δόκ :
qui évoque plus que l’apparence dans le NT
où le mot doxa recouvre le sens de l’hébreu kabod, le poids le rayonnement.
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Ainsi dans le verset :
« ἐν ᾧ εὐδόκησα »:
peut être traduit par :
« en toi je trouve toute ma joie, ma faveur, mon affection »
car on a l’idée de l’inclusion (en toi), (en Jésus) :
Dieu révélé en Jésus Christ.
Dans ce passage de l’évangile ,
Jésus est confirmé par son père et reçoit l’Esprit Saint :
les trois personnes sont réunies en une seule.
Mystère de la Trinité et début de la mission de Jésus fils de Dieu,
« qui baptisera à son tour dans l’Esprit Saint. » Mc 1, 8.
« dont je suis content » (Pléiade) ne retient pas cette idée, ne confesse pas une foi.