Un texte introuvable
Un texte ou des textes à l’origine du Nouveau Testament ?
Un évangile n’est pas un seul texte,
et plus on remonte dans le temps, plus les manuscrits se diversifient :
c’est pourquoi on se pose la question :
où est le texte ?
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Le savant travaille sur des textes qui ne sont jamais « établis » sur des originaux,
Au cours du Moyen Age, les manuscrits ont été copiés au scriptorium par des moines,
et en copiant, ils ont fait des fautes;
de plus, le support, au fil du temps, a pu s’être détérioré.
Parfois, les copistes ont eux-mêmes corrigé tel ou tel passage, de leur propre initiative.
ou bien, pour répondre aux besoins de la liturgie de telle ou telle communauté,
les copistes ont modifié le texte.
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Pour le Nouveau Testament, nous possédons environ 3000 manuscrits.
ce qui est beaucoup plus que pour Platon et d’autres auteurs de l’Antiquité, par exemple.
Ces manuscrits retrouvés remontent au IV è siècle pour les parchemins,
et au IIIè siècle, pour des fragments de papyrus.
Pour toutes ces raisons, l’on peut parler de « texte introuvable ».
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Il faut, malgré tout, établir un texte :
c’est le travail des philologues.
Les philologues sont des spécialistes qui étudient les manuscrits, leur filiation,
et les comparent en vue d’éditer.
L’apparat-critique est la mention dans certaines éditions des différentes « leçons » des manuscrits.
Les philologues (« amis du texte » en grec)
élaborent des arbres avec des branches qui sortent d’un tronc commun
et rangent les manuscrits en différentes « familles».
Pour le NT par exemple, on parle de la famille alexandrine ou de la famille byzantine.
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Pour une question pratique,
la coutume est de mettre entre crochets les versions peu « sûres » du texte,
celles qui sont isolées par exemple, et n’appartiennent à aucune « famille ».
Le site theotex.org présente les variantes textuelles en rouge
avec une flèche entre parenthèses
(deux grandes familles sont citées N, pour Nestle-Aland et B pour byzantin).
La collection des Belles Lettres propose, quant à elle, un apparat-critique en bas de page.
Sur la transmission des textes en général,
vous pouvez consulter L.D.REYNOLDS N.G. WILSON
D’Homère à Erasme, La transmission des classiques grecs et latins (édition du CNRS) .
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Des exemples de passages sujets à critique :
Ἦν δὲ καὶ ἐπιγραφὴ γεγραμμένη (N γεγραμμένη → –)
ἐπ’ αὐτῷ γράμμασιν (N γράμμασιν Ἑλληνικοῖς καὶ Ῥωμαϊκοῖς καὶ Ἑβραϊκοῖς Οὗτός ἐστιν → –)
Ἑλληνικοῖς καὶ Ῥωμαϊκοῖς καὶ Ἑβραϊκοῖς,
Οὗτός ἐστιν ὁ βασιλεὺς τῶν Ἰουδαίων. (N Ἰουδαίων → Ἰουδαίων οὗτος)
et il y avait une inscription au-dessus de lui
écrit en lettres grecques, romaines, et hébraïques
« celui-ce est le roi des Juifs »
« écrit en lettres grecques rommaines et hébraïques»,
en rouge ci-dessus,
est supprimé de la version de Nestle-Aland des manuscrits.
C’est vu comme un rajout postérieur, par les philologues,
une explication d’un copiste, et c’est donc entre crochets dans le texte proposé.
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Un autre exemple :
Lc 23,43 la crucifixion « père, pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font »
est absent de nombreux manuscrits.
Des exemples de paroles ainsi ajoutées ou « baladées » dans le Nouveau Testament sont nombreux :
le récit dela femme adultère (Jn 7,53 – 8,11) est absent du Papyrus Bodmer II, P66 datant de 230*.
https://www.persee.fr/doc/scrip_0036-9772_1957_num_11_2_2945
Mais ce manuscrit a aussi fait l’objet de remaniements.
En Jean 8, il semble avoir été rajouté, et il ressemble plus à Luc pour le style qu’à Jean.
La fin de l’évangile de Marc est un ajout également.
Les exemples sont nombreux.
Parfois des passages ont même été grattés dans les manuscrits par les copistes,
comme la réaction de tristesse de Jésus devant son ami Lazare mort.
Tout ceci explique l’expression « selon » dans
« évangile « selon » Marc/ « selon » Matthieu en grec : κατα… »
Pour les croyants, les textes doivent être lus
« selon l’Esprit saint»
car il y aura toujours le conflit des interprétations
et le travail scientifique cherche à faire au mieux.
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*Le papyrus dénommé Papyrus Bodmer II du nom de son découvreur en 1956 un industriel zurichois qui le conserve « dans sa bibliothèque sise à Cologny près de Genève, est un codex contenant les quatorze premiers chapitres de l’évangile de Jean jusqu’au verset 26 du chapitre XIV - BIBLIOGRAPHIE : Joseph DORE (dir.) Encyclopédie Jésus, 2017 cf Bibliographie Cette encyclopédie a fait l’objet de nombreuses présentations sur le net : Au collège des Bernardins : une table ronde (environ 1H) https://www.youtube.com/watch?v=dU5tCdeCsnc Présentation de 5 minutes : https://youtu.be/4OS80VsLqrM L.D.REYNOLDS N.G. WILSOND’Homère à Erasme, La transmission des classiques grecs et latins (édition du CNRS) .